Pour Alain Alexanian, manger bio est un secret de longévité
Le chef étoilé Alain Alexanian converti à la santé dans l’assiette et au bio depuis près de 30 ans, nous livre conseils, coups de gueule et coups de coeur écolos. Une interview exclusive pour bioaddict.fr.
Comment vous définissez-vous ? Chef responsable, chef bio, chef arménien ?
Je m’intéresse avant tout à la santé dans l’assiette. Pour moi, une alimentation saine est forcément liée à la promotion du développement durable. Pour l’instant, le label le plus proche de mes idées est le bio mais je ne m’arrête pas qu’au bio. Cela ne veut pas dire que celui qui cuisine les fruits et légumes de son potager, avec ses limaces, ses doryphores, ne peut se servir d’aucun produit. Je suis pour une agriculture raisonnablement raisonnée. Je pense que le raisonné à 100 % est une hérésie… Je préfère le moins chimique possible que le bio à 100 %. D’ailleurs, dans un pays comme la France où on ne fait que 3 % d’agriculture bio, n’oublions pas que nous faisons appel à des produits bio cultivés à l’étranger, avec toutes les émissions de gaz à effet de serre que cela comporte…
Comment est né votre intérêt pour l’écologie ?
C’est ma grand-mère arménienne qui m’a sensibilisé à une nourriture saine. Les délicieux effluves qui se dégageaient de sa cuisine ont été une source d’inspiration certaine pour moi. Le jour où je suis entré en apprentissage, à 14 ans, j’apprends que l’on met du beurre à outrance, de la crème à outrance, des chariots de bouteilles sucrées… Aussi, quand j’ai fini mon apprentissage et mon CAP, je me suis demandé : qui a raison ? Ma grand-mère, les restaurateurs, les industriels ? Je me suis donc mis à lire les études épidémiologiques, des livres sur la nutrition, etc. C’était une démarche personnelle. Je voulais savoir quels étaient les aliments bons pour la santé et non pas me limiter à une » alimentation des 5 sens « , traditionnellement enseignée. La véritable révélation a été le choc des années 74-78, quand l’on s’est rendu compte de la quantité de matière grasses et de sucres ingérés quotidiennement. Je ne comprenais pas car ma grand-mère n’avait pas ces habitudes. Elle utilisait d’autres épices, d’autres ingrédients… Quand je suis revenu de l’armée, j’ai commencé un compagnonnage dans tous les Relais et châteaux de la France et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai compris la nécessité du légume, du fruit, de moins masquer les goûts, etc.
La cuisine arménienne, une de vos spécialités, est-elle plus saine ?
C’est une cuisine caucasienne et méditerranéenne, souvent confondue avec la cuisine libanaise. Du fait du milieu vallonnée et montagneux de l’Arménie, c’est une cuisine de petits producteurs, presque écolo par nature. Elle est très riche en herbes, en nutriments, en vitamines et en minéraux. Il n’y a pas besoin de manger à outrance car les viandes sont » bio « , riches en nutriments. Ce sont parfois des mets très simples, mais en osmose avec la nature, qui ont forgé une expérience culinaire simple mais sauvage et naturelle.
Dans votre restaurant « A. » quels sont les gestes en faveur de l’environnement ?
Nous avons adopté une charte de développement durable qui est consultable sur mon site. Dans les menus, je propose au moins une entrée et un plat composés d’ingrédients 100 % locaux. Il y a également la version végétalienne et sans gluten. Les légumes frais servis sont tous de production française et je favorise les viandes à moindre impact carbone, c’est-à-dire que je privilégie la volaille élevée en France plutôt que le veau ou le boeuf élevés à l’étranger.
Pour les fruits ne poussant pas en France, je choisis ceux issus du commerce équitable ou bio, voire les deux. Je m’interdis de servir des espèces de poisson en voie de disparition qui sont clairement désignés comme tel dans les conso-guide du WWF ou du MSC. Enfin, pour ce qui est des oeufs entiers, je ne propose que des oeufs issus d’élevage en plein air et/ou bio.
Pendant longtemps mon combat était de mettre des légumes à côté des protéines. En 1998, j’étais le premier restaurant étoilé à proposer un menu végétarien, de l’entrée au dessert. Aujourd’hui ce n’est plus un combat, l’importance des légumes dans notre régime alimentaire est devenue une évidence. Ma démarche aujourd’hui c’est de privilégier les menus anti-allergènes.
Et l’huile de palme dans tout ça ?
Dans les restaurants qui travaillent avec du frais et qui ne recourent pas aux produits déjà préparés, il n’y a pas d’utilisation d’huile de palme ! Sauf, peut-être, en huile de friteuse. Mais s’il fallait utiliser de l’huile végétale de palme il faudrait qu’elle soit issue d’un producteur adhérent à la table ronde RSPO et recyclée, si possible. Tout cela figure dans notre charte.
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